Avec Watamote, on avait vu que le concept de genre était quelque chose de très vague pour les anime. Et le cas de Prunus Girl est lui autant semblable que différent. Ce qui est bien plus disparate dans cette oeuvre est sa classification. Shonen ou shojo ? S’il est clairement vendu comme shonen au Japon, en France l’affaire est bien différente. La couverture de l’édition française est ainsi assez ambiguë sur la question. Vendu shojo mais présenté également comme shonen, la réponse n’est pas claire chez son éditeur Soleil Manga (qui le classe dans sa collection shojo).
Et ambiguë , Prunus Girl l’est continuellement jusque dans son histoire, inclassable pour un manga indéterminé. Une incertitude constante qui, on le verra, est finalement centrale dans la composition de l’oeuvre et de manière plus large encore. Et que son auteure l’ait voulu ou non.

  • Histoire simple avec quelques développements concernant les personnages et leurs relations. Rien de fou mais c’est toujours appréciable.
  • Dessin fin et élégant, très agréable à lire et confère une ambiance très légère à l’oeuvre.
  • Aikawa. Ce personnage est génial.
  • Histoire autour de l’homosexualité très bien narrée, avec légèreté et simplicité. Romance très élégante.

Tandis que Maki va voir les résultats d’admission pour son entrée au lycée, il rencontre une superbe fille et tombe sous le charme. Il découvre finalement que non seulement cette fille, Aikawa Kizuna, est dans le même lycée, mais aussi dans la même classe que lui. Cependant, il apprend très vite qu’Aikawa est en fait un garçon.

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Le premier point fort de Prunus Girl est son dessin. Fin et léger, il donne au manga un aspect élégant, presque noble, renforcé par le fait que l’histoire se déroule dans un lycée privé assez bien doté. Les décors ne sont jamais très détaillés, allant d’une représentation simpliste (quelques arbres, des murs blancs…) jusqu’à une quasi absence. Certes, il en résulte une meilleure visibilité des personnages qui ressortent clairement sur chaque case et améliore la fluidité de lecture mais dans un tranche de vie il aurait été appréciable de trouver des décors plus travaillés. Mais bon, cela n’empêche pas l’auteure de gratifier quelques chapitres de jolis décors et plus détaillés qu’à l’accoutumé (notamment celui du faux rendez-vous entre Maki et Aikawa).
Après avoir parlé des décors, qui sont sûrement le seul point faible dans le dessin de Prunus Girl (et encore, leur aspect crayonné est appréciable), parlons des bons points. Avec en premier, le trait qui est – comme dit plus haut – fin et léger. Chaque personnage est dessiné de manière détaillée, sa coupe de cheveux, sa tenue vestimentaire et ses potentiels accessoires étant minutieusement choisis. Et pourtant, à aucun moment il n’y a une impression d’encombrement. On le doit justement à ce trait fin qui rend le tout si pur. Il n’y a jamais de surplus et de gras, gagnant ainsi une grande lisibilité et clarté sur l’oeuvre.
Un autre travail remarquable mené par l’auteure se situe sur le dessin de ses personnages. Bénéficiant déjà de toute la légèreté et de l’élégance accordée par leurs traits fin, ils profitent également de nombreux détails, essentiellement dans leurs tenues. Que ce soit pour un chapitre (le faux rencard, le festival…) ou pour le quotidien (leurs uniformes), on sent que la mangaka s’amuse à dessiner des tenues toujours bien réfléchies. Et ce jusque dans les moindres détails, comme le sac à main de Kizuna ou même sa coiffure allant avec son yukata. Ce soin est plaisant à voir, d’autant qu’il varie élégamment la lecture. Si on avait dû en rester à l’uniforme scolaire du premier au dernier chapitre, l’histoire aurait paru bien plus longue et répétitive.
L’ultime point fort du dessin de Prunus Girl réside en sa polyvalence. L’oeuvre est un tranche de vie et son trait fin sera de ce fait présent dans 90% des pages du manga. Mais là où c’est intéressant, c’est avec des chapitres un peu plus fou, notamment les dernier chapitres et celui de la guerre aquatique (ch.12 – ch.13, T.3). L’auteure a su adapter son style à l’action de ces chapitres, allant jusque’à proposer quelque chose de radicalement différent au reste de l’oeuvre dans le final. L’atout est évidemment de pouvoir varier à souhait le récit et afin d’accorder du crédit au changement de ton apporté à l’histoire. Enfin, le scénario s’amuse à passer par la case romance rose à action en passant par celle de drame, et ce sans aucun soucis !

Il est temps de parler de l’histoire du manga. Cette dernière est comme le dessin, c’est-à-dire de très bonne facture mais pas dénuée de défauts. Simple, elle n’est évidemment pas sans intérêt. On reviendra plus tard sur le thème de l’homosexualité abordé au sein de Prunus Girl pour nous concentrer en premier lieu sur la narration, le scénario et ses personnages.
Commençons par le plus simple avec le scénario et la narration qui l’habille. Le scénario est en soit des plus classiques et il est évident que Prunus Girl ne brillera pas par son originalité à ce niveau-là. Bonne mais sans plus, c’est la meilleure caractérisation possible pour cette histoire. Elle n’est pas mauvaise en soi mais n’apporte simplement rien de nouveau. Le faux rendez-vous pour sortir Aikawa d’une mauvaise passe ? Déjà vu dans Nisekoi et Oreimo. Le séjour à la plage ou aller au festival l’été ? Vu, revu, déjà vu et déjà revu. Certains évènements sortent légèrement de l’ordinaire mais sans bouleverser les codes du genre d’une romance de shojo. Retenez ce détail, il sera capital pour la suite.
La narration possède par contre quelques atouts. Elle raconte avec intelligence des évènements classiques pour leurs attribuer une petite touche de nouveauté. Elle sait se montrer dynamique dans les scènes d’actions, surprend quand nécessaire et possède une fluidité redoutable. Elle remplit à merveille son travail en apportant à tout instant le juste rythme aux évènements.
Enfin, le second meilleur atout de Prunus Girl avec son dessin réside en ses personnages. Dans le cadre d’une comédie, Aikawa est par exemple une brillante réussite. Toujours souriant1, il envahit ce manga de joie et de bonheur. Son duo avec Maki est hilarant, enchainant les gags à tout va. Il communique de la joie en permanence et les réactions qu’il aura en fonction de chaque situation sont délicieusement drôles. Leurs camarades ne sont pas en reste (enfin si car ils sont moins développés que Maki et Aikawa) et possèdent tous plus ou moins leur petite personnalité qui diversifie comme il faut le manga. Encore une fois, nous sommes avec du classique, que ce soit le saison, la lesbien accros aux filles, celle amoureuse du héros… Les archétypes ne manquent pas mais, encore une fois, ce n’est pas un mal en soi. Ils n’en restent pas moins des personnages charismatiques donnant naissance à de bons gags, au développement de nombreuses sous-relations souvent mêmes si souvent assez survolées – hormis une véritable sous-intrigue au cours de l’histoire. Cette dernière n’est par ailleurs pas très bonne car manque légèrement de tension, le problème se résolvant avant même que l’on puisse s’en inquiéter. Cependant, force est d’avouer que les relations développées tout au long du manga se suffisent en elles-mêmes. Et surtout, la relation principale – Maki et Aikawa – peut ainsi se développer pleinement et confortablement. Et là d’excellente manière avec une sublime conclusion à la fin.

Alerte Spoiler – Pour cette partie le final du manga est spoilé même si on le voit venir à des kilomètres. Vous êtes prévenus

Il est désormais temps de venir au dernier point de cette critique. J’ai parlé jusqu’à présent du manga en lui-même, de son dessin et de son scénario. Mais quid du thème pourtant central ~~du travestissement~~ de l’homosexualité dans Prunus Girl ? On peut trouver que c’est bizarre de se concentrer là-dessus. Peut-être est-ce simplement dû à ma position de français, pays au sein duquel la question de l’homosexualité dans notre société peut être bien plus importante qu’au Japon. Mais ce serait bien trop complexe de retracer ici l’aspect social et historique de l’homosexualité chez les nippons alors allons à l’essentiel.
Prunus Girl traite l’homosexualité avec une simplicité de génie. C’est certainement la plus grande force de ce manga, pouvoir traiter d’un sujet de société aussi fort (et qui dérange même au Japon) avec un naturel presque déconcertant. Après tout, le manga raconte tout de même la romance entre deux hommes, dont l’un se travestit quotidiennement. Outre l’aspect de l’androgynie, ce naturel est une force redoutable. Au lieu de faire une romance voulant à tout prix montrer que l’amour homosexuel est tout aussi légitime qu’un autre, Prunus Girl fait le choix de traiter cette romance comme on traiterait une romance hétérosexuelle. Il n’y a aucunement une envie de montrer un respect envers les relations homosexuelles, le manga considère cela comme acquis. Ainsi, il ne sera jamais question de savoir si l’homosexualité est une bonne chose ou pas2. La question se portera plutôt sur les sentiments, le véritable amour. Maki se questionnera et cherchera à savoir s’il est véritablement amoureux d’Aikawa, en ayant du mal à reconnaitre son amour. C’est en cela que Prunus Girl est très fort. L’histoire ne racontera au final pas l’évolution d’un homme (au départ surement hétérosexuel) évoluant vers un amour homosexuel. Pas du tout. L’histoire est celle d’un homme qui va aller vers la personne qu’il aime en s’ouvrant à ses véritables sentiments. Tout préjugé, tout concept d’orientation sont surmontés dans cette romance. Au final tout ce qui compte c’est l’amour. Un amour pur qui ne s’embête pas avec des détails comme le sexe d’Aikawa. Et que le manga reprenne allègrement des éléments de shojo (rappelez-vous plus haut) permet de justement traiter cette romance originale comme une autre. Car elle n’est pas originale dans les sentiments, nous n’avons que deux personnes qui s’aiment. Au début du manga, Maki tombe sous le charme d’une jeune fille, Aikawa, qui se révèle être donc un garçon. Cela mettra en premier lieu fin à son coup de foudre mais la suite mettra en scène comment Maki s’est, finalement, abandonné à l’amour, surmontant le fait qu’Aikawa soit un garçon.

Et c’est une très bonne chose que Prunus Girl intègre totalement comme acquis les relations homosexuelles. D’autant plus que la seconde romance, celle entre Shion et Kana est brillante de sincérité. C’est presque insultant de ma part de justement m’attarder autant sur le traitement de l’homosexualité dans Prunus Girl pour justement montrer qu’il n’y a pas de traitement. Surtout que le manga traite en parallèle de l’acceptation de soi et des préjugés. Quand Maki fait manger à Aikawa, lors du premier chapitre, à la fois le bonbon pêche et le bonbon cola, c’est une manière de signifier symboliquement qu’Aikawa est l’un comme l’autre, que cela n’a aucune importance car Aikawa est malgré tout qui il est. C’est aussi pour cette raison que tous les garçons du manga sont fans d’Aikawa grâce (ou à cause, c’est selon) à son physique féminin. Et ils l’adorent. Car Aikawa, fille ou garçon, reste Aikawa. Le sexe n’est donc pas important, seule la personnalité compte. Prunus Girl regorge de messages presque trop naïfs mais terriblement bienveillants. Et c’est ce qui en fait un petit chef d’oeuvre.

Du moins c’est ce que j’aurais aimé dire. Non pas qu’il faut tout balayer d’un revers de la main. Simplement, il est plus probable que tout cela résulte d’une masturbation intellectuelle. La réalité semble bien moins incroyable. L’auteure ne semble pas avoir donné consciemment (au moins) cette dimension à Prunus Girl. Pour plusieurs raisons. Déjà, s’il est beau de voir le traitement donné à la romance homosexuelle de Maki et d’Aikawa, on peut émettre quelques retenues par rapport au reste. La relation Shion – Kana passe encore, mais pourquoi rendre Non (oui c’est un nom) lesbien ? Et qu’elle est donc cette relation incestueuse que l’on ne saurait voir ? Et pourquoi même la directrice de l’école est en couple avec la prof ? Quel est l’intérêt de rajouter à tout va des relations “originales”. C’est cruellement dommage car on perd là ce qui faisait la simplicité du traitement mené par Prunus Girl. Au final, les relations homosexuelles sont certes communes à celles hétérosexuelles mais elles sont également utilisées ici à des fins humoristiques. On mettra là davantage en cause une maladresse de l’auteure car tout le respect pour les relations gays reste présent globalement. Mais on manque là d’une réelle preuve d’interêt envers cette multitude de couples.
Autre point problématique, c’est la réelle place de l’homosexualité au Japon. J’ai déjà dit qu’on n’était pas ici pour faire un récit là-dessus mais il est capitale de noter que malgré sa simplicité dans Prunus Girl, ce n’est pas aussi rose au Japon. Les populations gays et lesbiennes étant même assez mal vues. Il est donc surprenant de voir un manga traiter aussi naïvement de cette même population alors que le sujet est bien plus tabou. Après, peut-être que l’apparence féminine d’Aikawa fait que sa relation n’est pas réellement homosexuelle. Une bien triste raison.
Et avant de conclure, abordons l’édition française. La couverture recto-verso n’a qu’une seule différence notable entre les deux faces et c’est la catégorisation de l’oeuvre. Shonen ou shojo selon le sens. Pourtant le manga est vendu comme shonen au Japon. En France, on aurait préféré le présenter plutôt comme shojo ? Il semblerait qu’on ait encore des problèmes avec le fait que des garçons puissent lire des romances à couvertures roses, que l’on rangerait dans des rayons à côté de One Piece ou de FullMetal Alchemist. Et du coup, cette indécision sur la couverture met parfaitement en évidence la question vue au début de cette critique. Prunus Girl est-il un shonen ou un shojo ? Un manga pour jeunes garçons ou pour jeunes filles ? Certes on a une romance semblable aux shojo, mais au Japon on la destine à des garçons. Pourquoi pas en France ? Il semblerait même aberrant de trancher, tant cette oeuvre peut aller dans l’un comme dans l’autre. Avec cette idée, l’édition française serait donc bien plus juste. Une oeuvre ne devrait pas être rangée dans une simple case de ce genre, tant chacune traitera différemment de thématiques communes. Et au final, Prunus Girl est sûrement plus shonen pour la simple raison que l’on suit l’histoire de Maki, un garçon. Auquel le lecteur est censé s’identifier.

Mais alors, que retenir de Prunus Girl ? Un manga maladroit qui ne se donne pas les armes pour accomplir les ambitions qu’on peut lui prêter ? Un peu, étant donné qu’il est très probable que l’auteur n’ai pas pleinement souhaité mener son histoire à de si hauts propos.
Mais en resté là serait trop triste, surtout après tous les sourires offerts pas Aikawa. Alors soyons clairs : Prunus Girl est un excellent manga. C’est une comédie romantique avec un design superbe, au trait fin et idéal pour ce genre d’histoire. En prime, les personnages sont tous attachants et les deux romances majeurs de l’histoire très intéressantes à suivre. Et évidemment en particulier celle des personnages principaux. L’homosexualité n’y est pas traitée comme telle, simplement au travers de relations amoureuses comme on en voit partout. Ce sont toutes les forces que possède Prunus Girl, un manga qui ne révolutionne rien mais qui réalise tout de même une performance exemplaire. Il n’est pas nécessaire de chercher à savoir pertinemment si l’auteure a voulu traiter de telle manière l’homosexualité, tout ce qui compte au final c’est bien sa morale finale. Aimez vous peu importe les préjugés et autres conceptions, tout ce qui compte est le sentiment d’amour véritable. Et peu importe toutes les controverses sur cette oeuvre, on les surmontera pour cette série très appréciable, car c’est une petite perle de romance sympathique, drôle mais forte. Et surtout un manga de qualité. Et c’est ça le plus important.

Pour aller plus loins :
– La fiche Anilist du manga
– Le manga est édité par Soleil Manga
– D’autres critiques sur Manga Sanctuary, sur ActuaBD et sur Digital Universe


  1. Aucun spoil, pour le sexe d’Aikawa je me base simplement sur ce qu’il déclare dès la seconde page du premier chapitre. 
  2. Dis ainsi cela peut paraitre aberrant, mais rappelez-vous qu’encore aujourd’hui, en France, des gens pensent que les relations gays ne sont pas naturelles, voire même monstrueuses. 


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