Il arrive fréquemment qu’un anime serve en réalité à vendre un autre produit (manga, jeux…). Cet hiver, Dimension W ou Grimgar n’existent que dans ce but, qu’importe leur qualité. Leur formule est simple et particulièrement efficace. En 12 ou 13 épisodes, ce genre de série avance suffisamment pour faire découvrir son univers au spectateur ainsi que le gros de l’intrigue. Et inversement, elle laissera le spectateur sur sa faim, poussant ce dernier à vouloir acheter le manga/light novel/visual novel d’origine1. Malgré tout, certaines adaptations ne se contentent pas de cette formule. Toujours cet hiver, le studio Shuka termine d’adapter l’excellent Durarara en anime. Une adaptation qui racontera donc l’intégralité du light novel d’origine, pour notre plus grande joie.

Et de ce qu’il reste chaque saison, ce sont donc les animes « originaux ». Ils n’adaptent rien, sont créés à 100% en tant qu’anime et sont le coeur d’oeuvre des plus grands (Shinichiro Watanabe, Hiroyuki Imaishi, Makoto Shinkai et j’en passe). Ainsi libre de toute dimension publicitaire, elles connaissent moins de contraintes et évitent d’avoir à saboter leur narration ou d’autres éléments pour convenir à un rôle publicitaire. Ainsi, la créativité d’un réalisateur ou d’un studio peut s’exprimer bien plus aisément. Attention, cela ne signifie pas que tous les animes originaux sont des bijoux de créativité, juste que c’est parmi eux que peuvent se cacher les plus belles perles de la japanim.

Style – Puella Magi Madoka Magica

Le célèbre magical girl de Shaft est le résultat d’un savant mélange entre rêves et réalité. Si on retrouve donc les éléments classiques d’un Magical Girl (mascotte mignonne, transformations magiques et affrontement contre le mal), leur utilisation est elle très différente de ce que l’on pourrait s’attendre d’une série du genre. L’histoire part rapidement avec un ton bien plus sérieux et mature, évacuant toute la niaiserie habituelle. Cette subtilité passe essentiellement par les qualités visuelles de la série. Outre la réalisation toujours aussi excellente de Shaft (mouvements de caméra, poses charismatiques, décors à tendance simplistes, bref du Shaft), la série possède un style visuel qui lui est propre.

La série se base sur un contraste simple : d’un coté on a l’aspect adorable et mignon d’un magical girl classique et de l’autre un aspect bien plus sombre. Niveau visuel, si on part avec un esthétique très mignon (entre Madoka et sa famille PARFAITE, Kyubey la mascotte…), on arrive rapidement dans une esthétique bien plus dérangée. Les univers des sorcières sont psychédéliques, plein de folies et particulièrement glauques. Tout bouge, c’est un véritable chaos avec des « créatures » (plutôt des choses) invraisemblables. Comme des cotons moustachus. Ainsi, cette opposition entre mignon et folie participe entièrement donc à l’essence même de la série. Avec son apparence de magical girl classique, la série aborde au contraire une histoire fataliste, emplie de drame.

Et c’est là l’atout principal de Puella Magi Madoka Magica. La série sait parfaitement monter le ton tout en utilisant un genre traditionnellement niais et enfantin. Cette dualité fonctionne très bien, le contraste aidant. La petite Madoka est frappée de plein fouet par la dure réalité des magical girl. Au final, Puella Magi Madoka Magica peut être vu comme le passage à l’âge adulte, avec la prise de conscience de la dureté de la société. D’abord rêveuse, elle découvre peu à peu ce que les magical girl (le monde de l’emploi, la société) cachent comme sombres aspects. Dans Homura, on pourrait donc voir une figure de l’enfance, celle qui refuse de grandir et préférant un statu quo idyllique. Ceci n’est évidemment qu’une interprétation partielle de l’oeuvre et c’est là sa richesse. De nombreuses lectures sont possibles et il me faudrait tout un article pour en parler en détail.

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Musique – Panty & Stocking with Gatherbelt

Le génial cartoon d’Imaishi, dont j’ai déjà fait la critique, possède de nombreuses qualités. L’une d’elles, c’est sa super bande originale d’électro essentiellement composée par TeddyLoid. Si ce nom vous est familier, c’est parce qu’il est aussi derrière la musique du clip d’Animator Expo, MeMeMe. Et en compagnie d’autres compositeurs (notamment Taku Takahashi et TCY Crew), la série fut dotée d’un formidable ensemble de thèmes particulièrement modernes et nerveux. À l’image de Cherryboy Riot ou de Pantscada qui conviennent parfaitement à la série dynamique et vive qu’est Panty & Stocking with Gatherbelt. Elles incarnent aussi son coté provocateur, notamment avec les cris particulièrement élégants de Panty dans Juice1. À cela s’oppose tout de même des thèmes plus posés, moins rapides. Le thème des rivales des deux anges, Scanty & Kneesocks, possède ainsi un somptueux thème (joliment nommé Theme for Scanty & Kneesocks) incarnant à merveille leur autorité décalée par une aspiration SM assez particulière. Le thème D City Rock, utilisé pour les épisodes au « lycée », rend un énième hommage aux cartoons américains avec une musique pour cheerleader. La touche finale avec Chocolat, le thème émouvant et romantique de la série. Il est par ailleurs essentiel à la vérité de la série qui sait justement joué entre humour salace et vulgaire ou avec de véritables émotions.

La subtilité de Panty & Stocking with Gatherbelt se trouve justement là. Avec son apparence grotesque, débile et dénuée de sens, la série propose au contraire une oeuvre géniale et intelligente, autant dans son écriture que dans sa réalisation. Déjà, et c’est assez évident, son style hérité des cartoons américains et mêlé aux codes japonais font d’elle une série au style complètement unique. Dans le milieu de la japanim, cette réalisation ovni est un véritable régal qu’Hiroyuki Imaishi a parfaitement mené. Et niveau écriture, la série s’en sort aussi très bien avec des épisodes variés mais efficaces. Entre d’hilarants délires repoussant les limites du ridicule (le monstre caca, une armée de fantôme-sperme venu se venger…) ou la parodie (invasion zombie…), on a également droit à de subtiles scènes émouvantes démontrant toute l’intelligence et la maturité que peut avoir la série. Un formidable mixage culturel qui est sans aucun doute l’une des oeuvres les plus originales de ces dernières années.

Personnage – Lelouch Lamperouge (Code Geass)

Lelouch Lamperouge fait parti du traditionnel stéréotype en japanim du génie à l’intelligence infinie, capable d’infliger un 5 – 0 sans soucis à AlphaGo. Et en réalité, c’est un cliché assez dur à utiliser tant ses aptitudes le rendent intouchables. On peut ainsi faire comme dans No Game No Life qui attribue sans soucis une puissance suprême à son duo de génies principaux capables de sortir n’importe quel mindfuck pour renverser une situation compliquée. Ce qui est, soyons honnête, complètement tordant tant le délire est poussé à l’extrême. Code Geass propose ainsi une autre approche, bien plus extrême et mature. Outre son intelligence démesurée, Lelouch reste un humain « normal ». Il éprouve ainsi des sentiments très forts, que ce soit envers sa soeur Nanali ou ses amis. Et c’est cette sensibilité qui mènera le personnage à faire plusieurs choix stratégiquement mauvais au cours de la série. Un génie donc, mais qui reste malgré tout sous le joug constant de ses émotions. Le personnage est ainsi plus complexe et plus imprévisible, qu’un « simple » génie avec un objectif clair comme Light de Death Note. Souhaitant réaliser une cause noble, cachant en réalité des désirs personnels, le personnage incarnera plusieurs facettes, bonnes comme mauvaises.

Ce qui est valable pour Lelouch l’est tout autant pour le reste de la série. Code Geass ne fait jamais dans la dentelle, mettant régulièrement Lelouch et ses autres personnages en face d’une réalité cruelle. D’ailleurs, leur nombre est une grande force pour la série qui sait habilement jongler entre eux afin de varier sa narration et de donner en consistance au récit. Outre ses personnages, Code Geass possède également une écriture particulièrement intelligente tant elle contient divers éléments dans son intrigue. Mais surtout, c’est au niveau de la narration qu’elle brille le plus. En 50 épisodes, impossible de s’ennuyer tant il se passe de choses à chaque épisode. Retournements de situation, instants comiques ou affrontements épiques, en divertissement pur Code Geass ne se rate pas du tout. On pourra cependant regretter quelques facilités d’écriture mais rien de bien grave non plus. Enfin, il faut aussi reconnaitre à la série une forte qualité visuelle. Que ce soit pour le character design made in Clamp qui donne rapidement un charme unique à la série. Ou pour les affrontements de méchas, une véritable spécialité de Sunrise, qui sont un véritable régal à regarder. Code Geass est ainsi une série particulièrement bonne, à la fois intelligente et divertissante, ce qui en fait une véritable référence.

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Manga – K-On!

Sacrilège 1 : comment puis-je parler d’un manga dans un article se voulant exclusif aux animes inédits ? Réponse : en vous parlant non pas du manga mais de son adaptation en anime.

Sacrilège 2 : et comment puis-je justement parler d’une adaptation en anime ??????? Réponse : parce que je vais vous l’expliquer.

Avant toute chose, il faut savoir ce qu’est le manga K-on!. À l’origine, c’est un manga de type 4-koma (comédie en 4 cases) de quatre tomes, divisés en 57 chapitres. Dessiné et écrit par Kakifly, il racontait le quotidien banal mais amusant de quatre, puis cinq, jeunes filles dans leur club de musique. Et c’est avec cette base que le grand Kyoto Animation va réaliser une adaptation en anime de deux saisons, avec 13 épisodes pour la première et une seconde de 26 épisodes. Top du top, K-On! connut même un film (un vrai, pas un vieux recap) envoyant le joyeux groupe à Londres. Oui oui, KyoAni a adapté un 4-koma de quatre petits tomes en une série de 38 épisodes + un film.

Et c’est pour cela que K-On! mérite d’être mentionné ici. Le travail de Kyoto Animation sur l’adaptation fut tel qu’on peut aisément qualifier l’anime d’oeuvre à part entière. Encore plus pour la seconde saison de 26 épisodes dont la majorité sont en réalité complètement inédits du manga. Il est commun de voir un 4-koma devenir une adaptation de qualité. Il n’y a qu’à voir Gochiusa et son excellente réalisation pour s’en persuader. Il est cependant bien plus dur de pousser l’idée plus loin et de dépasser le matériau d’origine. C’est ce que fit KyoAni pour K-On!.

D’une part, on a donc une excellente réalisation. La qualité visuelle du célèbre studio est bien là mais avec la petite touche Yamada Naoko. Une attention particulière est portée sur la gestuelle des personnages, leur comportement, leur manière d’agir. Les seiyuu font également une part importante du travail, incarnant au mieux leur personnage. La réalisation n’est pas en reste, bien au contraire. Les décors sont soignés, un énorme travail étant également porté sur l’ambiance. Le rythme est particulièrement bien dosé, s’accordant toujours au mieux avec la scène en cours. Niveau musique, c’est là aussi du très bon. Encore heureux pour une série musicale, certes. Mais on peut tout de même saluer la qualité des chansons et surtout des scènes de concert, particulièrement bien animées.

Enfin, et c’est sans doute le plus important, K-On! possède une qualité d’écriture insoupçonnée. Evidemment, en apparence la série est une véritable non-histoire. Nous suivons simplement un groupe de jeunes filles qui vont faire des trucs mignons. Mais ce qu’il faut voir derrière K-On!, c’est la vie d’adolescentes, le passage au lycée, un moment capital de la vie. De cette manière, on suit la rencontre des différentes filles du groupe, les moments qu’elles partagent et surtout leur évolution. Certains plans sont fortement chargés en émotion, surtout dans les derniers épisodes quand le groupe se retrouve après leur dernier concert. L’oeuvre transcende complètement son matériau d’origine. Partant d’un simple 4-koma, K-On! est devenu grâce à KyoAni une oeuvre dotée d’une excellente réalisation et bénéficiant d’une superbe seconde saison. Si la série a certainement ouvert la porte à la multitude d’anime moe depuis, peu d’entre elles arrivent à une qualité similaire. Non Non Biyori et son excellente ambiance campagnarde semble actuellement le plus proche de K-On!. Et plus récemment, c’est Hibike! Euphomium, du même studio, qui propose une réalisation de qualité égale (voire supérieure même, aisément), avec un aspect dramatique en plus. De quoi assoir un peu plus Kyoto Animation comme maitre des tranches de vie.

Anime – Space Dandy

Comment parler d’oeuvres originales sans parler de Shinichiro Watanabe ? Cet immense réalisateur a réalisé plusieurs séries originales, la plus connue étant sans doute Cowboy Bebop. En 2014, le réalisateur a refait parler de lui avec Terror in Resonnance et Space Dandy. Si le premier fut assez controversé, le second brilla par son originalité et sa fraicheur.

Space Dandy avait comme particularité d’être réalisé et écrit par près d’une vingtaine de personnes différentes. Chaque épisode était strictement unique, explorant sans cesse de nouveaux genres. Certains étaient purement comiques, d’autres tendaient plus vers la romance ou le drame et certains vers de l’action pure. Une course spatiale pleine de folie, une version alien d’High School Musical, l’exploration d’une planète faite de plantes sur-évoluées… La richesse créative de Space Dandy est quasi infinie. Et surtout, il réussissait à être aussi varié. Les épisodes comiques étaient complètement fous et l’action était aussi bien présente. Et ceux plus « dramatiques » ou sérieux offraient des histoires pleines de poésies et/ou très touchantes. L’anime propose ainsi une variété d’écriture exceptionnelle que peu de séries peuvent prétendre avoir.

Cette diversité s’incarne aussi visuellement. Space Dandy proposera ainsi un panel non négligeable de styles différents tout le long de ses 26 épisodes. Si la plupart des épisodes abordent donc une animation « classique », d’autres auront un style radicalement différents. Les épisodes 9 et 18 sont sans doute les plus évocateurs. Arborant de somptueux décors, colorés et minimalistes pour l’un, abusant des sakugas pour l’autre, ces deux épisodes ont chacun la particularité de bénéficier d’un style graphique propre, tranchant radicalement avec le reste de la série. Et s’il est bon d’applaudir ces véritables pépites visuelles, rappelons que le reste de la série n’est pas en reste. Du design des vaisseaux aux aliens, Space Dandy se forge une identité propre, entre étrangeté et années 70. Un autre héritage de la variété de l’équipe, plusieurs designers ayant été appelés pour obtenir un tel résultat, comme Shinichiro Watanabe a pu l’expliquer dans cette interview. Et dans une série de science-fiction comme celle-ci, il y avait énormément à faire. Que ce soit pour les vaisseaux, les aliens ou même les planètes. Résultat : la série est aussi variée visuellement que niveau écriture. Voire plus.

Le grand risque avec un tel projet, c’est de perdre en cohérence. Certes, l’intégralité de la série (hormis les deux derniers épisodes) est constituée de standalone. Et c’est d’ailleurs parfaitement illustré dans le premier épisode qui se conclura par la mort du trio principal. Cependant, la série est si variée qu’il aurait été aisé d’y perdre le spectateur. Space Dandy évite avec brio ce problème. Si la série part régulièrement en free-style complet, certains éléments restent immuables. Les personnages conservent les mêmes caractères et rôles, s’adaptant parfaitement aux divers histoires auxquelles ils seront confrontés. L’ensemble est harmonieux, délirant et complet. Une véritable réussite à tous les niveaux. De quoi rendre un hommage idéal aux oeuvres originales.

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Tout ça c’est à voir :


  1. Oui c’est le thème mis quand elle s’envoie en l’air avec un garçon. Élégant n’est-ce pas ? ↩︎



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