Chaque saison, dans ma liste d’animes à voir, j’aime toujours avoir un titre un peu plus doux, plus tranquille que les autres. Un anime apaisant que je pourrai mater sereinement pour passer un bon moment. Bref, quelque chose de chaleureux et de rassurant, un peu comme un doudou. Et durant le printemps, mon doudou s’est trouvé être la nouvelle vie d’une sorcière des plaines et de sa grande famille.

De prime abord, La Sorcière invincible tueuse de Slime depuis 300 ans n’a pas grand chose pour se démarquer de la masse des titres isekai produits ces dernières années. On reste dans le traditionnel avec sa protagoniste, Azusa en l’occurence, qui se retrouve réincarnée au sein d’un univers de fantasy. Avec pour spécificité ici qu’elle est morte de surmenage à son travail. Face à ce triste constat et sous la bénédiction d’une déesse, elle deviendra alors immortelle en plus de sa réincarnation, ce pour profiter de la vie paisible qu’elle n’a pas pu avoir sur Terre.

Débute alors pour elle un tout nouveau quotidien particulièrement paisible. Ses journées se résument essentiellement à chasser des petits slimes pour se faire un peu d’argent et concocter des potions médicinales qu’elle fournit au village voisin. Cela lui permet de vivre sans se soucier de rien, et surtout sans surmenage puisqu’elle ne chasse que 25 slimes par jour. Et ce pendant 300 ans. En suit une conséquence assez logique : elle a gagné beaucoup de points d’expérience et la voilà maintenant niveau 99, le “level max”. Les rumeurs d’une sorcière surpuissante vivant dans une petite maison au milieu de vastes prairies iront alors de bon train : Azusa, la Sorcière des Plaines est née.

HOW TO devenir la sorcière la plus puissante au monde

Et c’est parti pour le festival des nouvelles têtes. Nous verrons ainsi débarquer Laika la dragonne, sérieuse et nouvelle disciple de notre sorcière, Harukara l’elfe apothicaire aussi douée en affaires que maladroite ou encore la grande démone Beelzebub à l’attitude protectrice. Et encore bien d’autres personnages aux profils tout aussi atypiques.

La vie paisible d’Azusa va rapidement prendre une tournure de plus en plus animée et imprévisible, où chaque nouveau venu amène son lot de péripéties. Mais s’installe tout aussi vite une ambiance plus familiale, notamment quand débarquent Falfa et Shalsha, les deux “filles” d’Azusa. La qualification de famille pour Azusa et sa troupe se tient pour plus que ça. C’est un terme explicitement employé à plusieurs reprises par elle-même, qui y voit là un changement positif. Surtout, on est sur une famille avec un accent sur la filiation plutôt que matrimoniale, présentant par exemple Laika comme une petite soeur et Beelzebub la grande. Celle-ci occupe aussi très bien la place d’une tante complètement gaga de ses nièces avec Falfa et Shalsha. Si la série m’a rappelé à plusieurs reprises Miss Kobayashi’s Dragon Maid là-dessus, la famille parvient cependant à exister sans qu’il n’y ait de couple principal qui ressorte (malgré quelques petits trucs avec Laika envers Azusa, mais ça reste très très léger). Et c’est une représentation de la famille mine de rien pas si répandue, d’autant que la question d’une autre moitié n’est absolument jamais posée pour Azusa. Ce n’est probablement pas une volonté consciente de l’œuvre, même si on aurait facilement pu avoir un second parent allégorique à la manière de l’anime de Kyoto Animation. En tout cas, c’est de famille qu’est qualifié le lien entre les différents personnages côtoyant Azusa. Cela installe de fait une relation intime et quotidienne entre les différents personnages.

Cette dimension familiale, telle que mise en place par la série, se base essentiellement sur les rencontres et les attaches qui peuvent en naitre, plutôt qu’au travers des liens du sang. En résulte une famille au figurée mais également plus moderne, détachée de ses liaisons traditionnelles. Sans aller jusqu’à faire de la série un modèle de progressisme, il faut lui reconnaître d’avoir une vision moins conformée du foyer en allant davantage à l’essentiel, à savoir les liens que l’on tisse. Ses différents personnages s’attachent vite les uns aux autres, et si c’est au départ malgré elle, Azusa finit par prendre un certain plaisir à voir sa vie quotidienne ainsi bouleversée.

Autre thématique que l’on pourrait caractériser de “moderne” est celle du surmenage au travail. L’origine même d’Azusa met cette question à la base de son histoire puisqu’elle est littéralement morte à son travail. Un job qui lui accaparait largement toute sa vie, si bien qu’elle ne profitait de plus rien. C’est ce qui l’a amené à désirer cette vie paisible et immortelle lors de sa réincarnation, pour “rattraper” le temps perdu.

Mais les choses ne s’arrêtent pas là et dès son premier épisode, l’anime pose le surmenage comme négatif. Quand Maple Dragon Laika reconstruit la maison de la malheureuse sorcière, cette dernière lui ordonne de s’arrêter en fin de journée. Pourtant, la dragonne se dit capable de continuer toute la nuit pour terminer les travaux au plus vite. Notre sorcière n’en démord pas : travailler trop n’est pas une bonne chose, et elle rejette complètement cette idée. C’est une morale qui reste encore peu conventionnelle dans un Japon où le travail primant sur l’humain est une quasi norme. Et cela est d’autant plus cocasse de voir ce genre de propos dans un anime, alors que le secteur de l’animation est profondément touché par ces dérives. Comment avoir un tel discours quand dans cette même industrie, un employé de Madhouse avait travaillé 393 heures sur un seul mois, un producteur de Wonder Egg Priority fut hospitalisé DEUX FOIS durant la réalisation de la série ou encore que MAPPA multiplie les projets certes ambitieux et séduisants, mais au prix de conditions et de cadences de travail atroces pour ses employés.

Une giga omelette préparée par Laika

Alors tout cela ne concerne pas directement notre série. Mais il reste important de rappeler – quitte à virer à l’excès – que l’industrie de l’animation n’est pas absolument pas raccord avec ce genre d’idées (ni même la société japonaise dans son ensemble, aussi). Néanmoins, c’est une bonne chose d’avoir des œuvres qui pointent réellement du doigt ces problèmes. Cela me fait beaucoup penser au premier chapitre de Bucket List of the Dead où son protagoniste vit comme une véritable libération l’apocalypse zombie qui lui tombe dessus, n’ayant plus à se soucier d’un travail qui était en train de le tuer. Et même si la critique s’estompe vite passé le pilote, des piques de rappel se font toujours dans ce sens. Cela imprègne jusqu’à la base même de la série, Azusa ayant atteint son niveau max en réalisant de petits efforts quotidiens plutôt que par de longues et intenses séances d’entraînements. Et ce qui est valable pour elle l’est aussi pour les autres. Régulièrement, Azusa veillera au bien-être de sa famille avant tout le reste. Que ce soit dans leurs efforts, donc, mais aussi lors de leurs différentes péripéties. Elle la protégera du danger et se chargera de régler tous les soucis qu’elle peut rencontrer. La première préoccupation porte donc sur la famille et son bien-être, offrant là une vision humaine et chaleureuse. C’est ce qui donne autant de douceur à la série puisqu’elle déborde ainsi de gentillesse et de bienveillance. On rentre par la même occasion dans du pur iyashikei où l’on peut se recentrer sur soi en oubliant tous les soucis de la vie quotidienne, en particulier ceux liés au travail. Et revient alors cet aspect “doudou” que j’évoquais en introduction. L’anime prend le contre-pied de la vie réelle pour être d’autant plus apaisant en offrant un véritable monde relaxant où les pressions du quotidien sont littéralement rejetées.

Cette agréable pause est bien aidée par les douces aventures auxquelles on assiste au fil des épisodes. Chaque semaine était l’occasion de découvrir une nouvelle histoire avec (souvent) de nouveaux personnages, de nouveaux lieux et surtout des situations toujours plus inattendues. Si il n’y a guère de tensions, ce n’est pas le cas de l’émotivité qui s’invite régulièrement par inadvertance. Un mariage de dragons devient l’occasion pour Laika de se confier sur ses inquiétudes envers Azusa, renforçant par ailleurs une relation de soeur de substitution qui est ici quasi littérale. De ces aventures ressort toujours de la bienveillance, jusqu’en la résolution des conflits.

Illustration très classe du light novel d’origine, par Benio

Ces histoires ont également l’avantage d’ancrer d’autant mieux la famille de notre sorcière, en particulier lors des premiers épisodes. Il est chouette de voir débarquer un nouveau personnage qui finira par intégrer la bande une fois son “histoire” conclue. Cela permet de donner de l’épaisseur à cette famille qui possède à force un vécu commun. Et s’il peut être parfois compliqué de jongler entre les nombreux personnages, chacun finit par y trouver son compte.

Enfin, et c’est sans doute cet élément qui m’aura le plus motivé à parler de cette série, il faut saluer la réalisation globale de Slime 300. Pour une production modeste de ce genre, il y a de quoi être surpris à plusieurs reprises. Il y a par exemple cette séquence d’action entre Azusa et des Dragons qui est assez impressionnante dans l’épisode 4. Voir des créatures aussi complexes que des dragons être entièrement animés “à la main”, le tout dans un combat avec plein de feu et de fumées, avec enfin une Azusa qui claque des bonnes grosses patates bien vénère, bah c’est pas si attendu d’une série comme Slime 300. Il y a aussi cet épisode 6 sous-traité à Madhouse qui se distingue pas mal du reste de la série, mais pour de bonnes raisons. Ça reste des kiffes pour sakuga-fag certes, mais cela apporte tout de même une qualité bienvenue à la série avec des fulgurances de ce type. Il faut aussi ajouter l’adorable character design et ses adorables bouilles (souvent joliment rondes). Le tout est appuyé par une réalisation efficace dans l’ensemble, comme peut en témoigner les affrontements des épisodes 8 & 9 qui sont plutôt économes en animation mais où les mouvements et autres effets visuels suffisent à insuffler ce qu’il faut en punch. Il y a aussi la chance que le réalisateur semble avoir de bons contacts, puisqu’outre Madhouse, il a pu solliciter Shinichi Omata, le talentueux réalisateur de Kaguya-sama : Love is War.

Ce soin apporté à la série lui permet d’être davantage mémorable, tout simplement. C’est évident que produire quelque chose de qualité y aide, mais encore une fois on ne s’attend pas forcément à ce genre d’attention pour une production modeste. Voir des petits détails comme Rosalie, une fantôme, en train de flotter par-ci de là ou les deux gamines qui font des trucs randoms en arrière-plan, c’est juste cool. Puis surtout ça amène à de très jolies scènes, avec en point culminant le concert à la fin de l’épisode 10, qui est probablement mon préféré par ailleurs. Histoire complètement géniale d’une musicienne indépendante qui galère pas mal à se faire un nom et qui se verra assister par notre sorcière et sa famille. Et c’est l’occasion de voir une autre facette de Flatorte, dragon bleue énergique mais un peu simplette, qui se présente en véritable experte musicale. Tout l’épisode est ainsi ponctué de séquences musicales rigolotes, chaque membre de s’essayant à une courte chansonnette pour inspirer la jeune artiste. L’animation des instruments est soignée, même pour les séquences les plus courtes, et c’est accompagné par de jolies musiques. Le tout amenant donc à ce fameux concert, séquence absolument sublime où tout est mis en oeuvre pour illustrer au mieux la reconnaissance de la jeune fille envers ceux qui l’ont aidé à ne pas abandonner son rêve. Sans oublier le génial sous-texte autour de Flatorte qui donne encore plus de profondeur à cette histoire et ce sans vraiment se montrer. C’est le genre d’épisode qui peut marquer, et pour ma part c’est toutes ces qualités qui permettront à Slime 300 de perdurer longtemps dans ma mémoire et de ne pas “juste” être une série parmi tant d’autres.

J’avais débuté Slime 300 avec de bonnes attentes, la série semblant pas mal dans mes kiffes. Et j’ai été ravi de la voir me surprendre épisodes après épisodes, que ce soit par sa réalisation ou ses personnages et leurs histoires. Sa bienveillance et son atmosphère chaleureuse en ont fait une pause idéale pour mes samedi soir printaniers, convenant parfaitement à ce rôle de “série doudou” que j’ai décrit plus tôt. Il serait facile ensuite pour moi de conclure qu’il faudrait que davantage de séries bénéficient du même soin, mais malheureusement on n’est pas dans un contexte industriel favorable à ce genre de postulat. Néanmoins, je vois en Slime 300 l’illustration toute simple qu’un peu d’attention sur de menus détails, appuyé par une production astucieuse et diversifiée, voire un peu hétéroclite, permet d’offrir de belles œuvres.



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