C’était inévitable que je vienne vous parler de Love-Bullet. Parce que son autrice m’avait déjà frappé dans l’œil par quelques courts strips Love Live1, adorables et déjà bien marqués par son style de dessin assez unique. Donc apprendre qu’une artiste si talentueuse avait son propre manga depuis fin 2023, je ne pouvais qu’être aussi curieux que joyeux.
Mais, ce qui a précipité un peu les choses, c’est que l’industrie du manga est souvent injuste et malheureuse. Les ventes du tome 1 sont assez faibles pour que son autrice Inee lance l’alerte sur Twitter, notamment par du contenu régulier pour promouvoir son manga (elle s’est aussi mise sur Instagram et TikTok pour l’occasion). Ce qui a engendré un mouvement de soutien particulièrement massif et intense, en particulier à l’étranger, certainement bien au-delà de ses espérances. Il est aussi probable que l’annonce, quelques jours plus tôt, de l’annulation de Sukeban to Tenkousei, un autre yuri prometteur2, a dû mettre en alerte la communauté, souhaitant éviter que la même chose arrive à Love-Bullet.
Et vu le contenu du manga, c’est tout à fait compréhensible. Love-Bullet propose une réinterprétation moderne du concept de cupidon, où ces anges de l’amour ont troqué leur arc pour des armes à feu. Leur travail reste cependant le même, à savoir trouver le meilleur partenaire pour leurs cibles. La difficulté étant d’en trouver un ayant déjà une attirance pour celle-ci, mais aussi dont la personnalité corresponde au mieux. Enfin, le manga étant yuri, les romances sont jusqu’à présent toutes lesbiennes (alors qu’il y a aussi des prétendants masculins). Et c’est un concept plutôt original pour le genre, et de même pour le trope du cupidon, souvent cantonné aux relations hétérosexuelles.
Ce premier tome pose également quelques bases de lore plutôt intéressantes, comme le fait que chaque cupidon soit une personne décédée n’ayant pas connu l’amour. D’autres sont des prétextes un peu plus grossiers pour faciliter l’avancée de l’histoire, comme la récompense promise aux cupidons les plus productifs venant surtout justifier des rivalités. Mais je chipote, ce n’est jamais gênant dans ce premier volume et le concept en lui-même reste développé de manière suffisamment interessante pour pardonner quelques facilités d’écriture.
Surtout, le manga se montre particulièrement bon sur son thème principal, l’amour. Le chapitre 0 (pensé comme un one-shot avant que le manga soit sérialisé) propose ainsi une belle histoire autour d’un triangle amoureux à la résolution pas nécessairement surprenante, mais joliment amenée. Même si l’on côtoie la plupart de ses personnages sur une courte durée, le titre parvient à les rendre attachant grâce à de subtils détails pour souligner leurs personnalités. Et de porter une attention toute particulière à la complexité de leurs amours. Le sentiment amoureux y est souligné avec sérieux et tendresse par son poids, ses doutes et ses regrets à la joie qu’il peut procurer. La simplicité des histoires et la légèreté de leur ton laissant toute la place à ces émotions pour être exprimées.
De quoi rendre la lecture de Love-Bullet assez captivante sur le point émotionnel. Et c’est bien aidé par le découpage rigoureusement bien pensé par son autrice. Elle semble apprécier jouer de parallèles et des successions de cases pour véhiculer les émotions de ses personnages et la dramaturgie de son histoire. Et de permettre à la lecture de se révéler étonnamment percutante à plusieurs reprises tant elle parvient à exploiter les moments clés de son récit de cette manière. On s’attend toujours à être saisi par son histoire, mais Love-Bullet parvient tout autant à prendre par surprise avec son intensité.
Tout aussi percutant, mais pour des raisons bien plus simples, le titre profite aussi d’une vraie ambition en matière d’action. C’est surprenant, et pour l’instant un poil secondaire dans leurs enjeux dramatiques, mais Love-Bullet se révèle être un très bon titre bagarreur. Là encore, Inee parvient à proposer quelque chose d’extrêmement prenant avec des planches dynamiques et riches en idées pour explorer l’arsenal romantique de ses héroïnes. Une belle occasion de voir de la superbe bagarre sans trop se prendre la tête, et avec des références qui font plaisir pour la suite (comme le fait que Kanna se batte dans le style du muay-thaï).
Et je termine par le plus évident, à savoir le style joliment épuré de l’autrice. Outre une agréable lisibilité et ses bienfaits pour la mise en scène évoquée précédemment, il confère une atmosphère visuelle unique au titre. Et d’apprécier aussi le soin qu’elle porte à ses designs de personnages, en particulier son quatuor de cupidons. On sent que chaque tenue est pensée pour leur correspondre (et c’est ce qu’elle explique aussi en interview). J’aime beaucoup le style assez débridé de Chiyo par exemple, qui ne s’encombre guère de protections pour tout mettre dans l’offensive. De même que le choix de dépeindre les cupidons en blanc marche à merveille pour les faire contraster un maximum avec les humains, marquant leur distinction d’être mystiques.
En un seul tome, Love-Bullet m’a déjà touché en plein cœur et j’espère que l’on pourra encore en reparler à l’avenir, car le potentiel est immense. J’ai adoré la sensibilité de son écriture, la simplicité de ses romances et la grande considération que le récit leur porte. Certaines pages sont encore gravées dans mon esprit tant leur force émotionnelle était superbement transmise par le dessin. Le potentiel est immense et je souhaite de tout cœur que le manga puisse se poursuivre autant que nécessaire pour son autrice. Je vous renvoie vers cette page créée par le compte-fan @LoveBulletManga indiquant toutes les manières possibles de soutenir le manga et son autrice (pensez à l’ebook numérique si, comme moi, vous êtes refroidis par les frais de port du tome physique).
Image de une : illustration couleur du manga par Inee, postée sur son Twitter
- Mon préféré étant celui-ci, post-épisode 13 de la saison 1 de Nijigasaki avec une Kasumin toute fière du cadeau de Shizuku (apprécier le ShizuKasu est un marqueur de gout, mais je m’égare) ↩︎
- Et qui doit paraitre chez nous aux éditions Akata sous le titre La Belle et la Racaille, même si l’on est sans date pour le moment (des chapitres sont tout de même déjà dispo en numérique) ↩︎
Laisser un commentaire